Ce n'est pas la lune, c'est le lac Abbe

Des rumeurs disent que le film "La planète des singes" aurait été tourné dans le décor lunaire du lac Abbe, mais fondées ou non, sa visite vaut vraiment le détour. Je n'ai personnellement rien trouvé sur cette terre de semblable à ce bout de frontière entre la République de Djibouti et l'Éthiopie. Entre les jeux d'ombres des cheminées, les fumerolles soufrées qui embrument les sources chaudes, le ballet des flamants roses avant leur envol, le cache-cache des phacochères et gazelles dans les herbes aux couleurs de leurs poils, ou encore l'étendue gris perle sous nos pieds : on dirait à la fois la lune, la planète mars et un interminable désert.

C'est là encore un spectacle qui se mérite car il vous faudra 5 heures de route et un très bon 4x4 pour relier Djibouti ville au lac Abbe en passant par Dikhil. Mais la récompense est telle que vous serez accueilli·e·s par le soleil flamboyant qui se couche sur les cheminées calcaires, la danse envoûtante du vent chargé de sable et de sel, le bouillonnement des sources naturelles à 90 degrés, une chaleur quasi inhospitalière et des animaux sauvages qui n'ont finalement que faire de votre passage. Votre route croisera peut-être aussi celle des nomades et leurs troupeaux.

Si vous avez opté pour la nuit dans le nouveau campement du lac Abbe, vous dormirez en daboyta (habitation traditionnelle du peuple Afar), aurez des sanitaires communs et profiterez des repas sous un carbet où il fait bon être. Le lendemain matin, vous vous lèverez aux aurores afin de voir le soleil s'étirer sur l'immensité aperçue la veille. Le coucher de soleil est magique, mais le lever l'est encore plus : un dégradé de pourpre et de rose s'invite au milieu des étoiles qui montent encore la garde et de la lune qui n'a pas terminé son travail.

Vous profiterez ensuite que les températures soient encore supportables pour marcher - sans trop vous aventurer - jusqu'aux rives du lac, faire le tour des sources brûlantes dont l'odeur donne son nom en afar de "lac pourri" et vous trouverez infiniment petit·e·s au pied des stalagmites minérales qui s'élèvent à plusieurs de dizaines de mètres de hauteur. Le lac Abbe, c'est définitivement une aquarelle que ma mémoire n'est pas près d'oublier.